Juifve française 2 : mon identité Française ne peut pas être séparée de mon identité Juifve.
Juifve française 1 : introduction
Je ne serais pas française si je n'étais pas juifve.
A vrai dire je ne serais pas si je n'étais pas juifve parce que mon père n'aurais jamais immigré en France, que ma mère ne serait pas tombée amoureuse de lui et que le bébé que je suis devenu n'aurais jamais existé. De toutes façons qui je suis est tellement construit autour du judaïsme que même si tout cela s'était passé, je ne serais pas qui je suis si je n'étais pas juifve.
Mais ce que je veux dire par là, c'est que ma francité et celle de probablement la majorité des juifs de France est fondamentalement liée à la judéité : je suis Français parce que je suis juifve.
C'est une histoire de migrations.
De migrations pour fuir les antisémitismes. De migrations vers un territoire promettant reconnaissance, accueil et participation égale à la vie politique. Migration aussi, liée en partie, pour certains (en fait la majorité des juifs français aujourd’hui, dont moi) à l'histoire coloniale de la France.
Ainsi je suis française. Et ainsi mon rapport à ma nationalité est quelque peu bizarre : Ça reste quelque part un lieu où j'habite, un lieu où je vie, une terre d'accueil que je veux défendre, plus précisément où je veux défendre le respect, et les conditions de vies de tout le monde, etc. Je dis ça parce que c'est quand la France mène des politiques destructrice ou que les droits sont menacés en France que je ressens le plus mon attachement, sous la forme d'un non. Comme aurait pu l'être un autre pays.
Parce que ultimement l'histoire juive (en tout cas depuis 2000 ans au moins) est une histoire de migration. Le judaïsme français tel que je le connais mêle des gens de partout, multiplement de partout.
La France est le 3ème pays en terme de population juive (faudra ptêt que je revienne sur comment est fait ce décompte mais source wikipédia pour l'instant) après Israël et les Etats Unis. Loin derrière Israël et les Etats Unis puisqu'on passe d'une population en millions a une population en centaine de milliers. Les 3 terres d'immigration juive au 20e siècle. Nous formons moins de 1% de la population Française et moins de 4% de la population juive mondiale (selon le même article wikipédia qui a l'air de tenir ses sources d'un rapport publié en 2020).
Quand je fête Pessach (la fête juive ayant lieu à la même période que pâque, pour moi c'est la fête qui a l'importance sociale de Noël pour les autres), je vais chez des amis juifs Franco-Argentins, en fait c'est un couple argentin qui a migré en France. Eux même sont d'origine Italienne et Polonaise. Il y a aussi d'autres Franco-Argentin, qui si on remonte plus loin ont probablement une origine partiellement Espagnole (et partiellement des peuples originaire d'Argentine et probablement d'autres populations aussi). Il y a aussi d'autres amis, originaires de Nancy (une communauté historiquement importante en France) mais aussi d'Hongrie, et d'autres encore. Nous, enfin du coté de mon père, ma mère étant convertie, on est originaire de Tunis. Bref tout un petit monde en un endroit. Et pourtant, on partage globalement la mêmes culture. Et pourtant avec nous on a transporté une diversité de culture juive, (pour les gourmands ça se ressent surtout dans la cuisine ^^).
Je ne penses pas que le judaïsme français puisse être compris sans ça
Notre identité ne peux être comprise sans savoir que nous sommes là, nous sommes qui nous sommes parce qu'il y a eu la révolution française, sa déclaration de l'homme et du citoyen, son décret d'émancipation des juifs. Sa déclaration de non distinction sur les religions et opinions politiques. Peut être aussi pas sans Napoléon qui reconnaît le judaïsme et donc la communauté comme français (après l'avoir remis en question suite à des réclamations antisémites en Alsace) .
Car au final c'est bien ça qui a fait de la France une terre d'immigration juive, en Europe et plus largement dans les pays d'Afrique du Nord mais aussi un peu d'Asie du Sud-Ouest (autrement appelés proche et moyen orient).
Beaucoup de juifs immigrés, sans forcément de papiers se sont porté volontaire dans l'armée pour défendre leur pays lors de guerre. Car quand on a toujours été plus ou moins exclu des société dans lesquelles on habitait, un pays qui te reconnais ça deviens ton pays. (Le Judaisme est diasporaique au moins depuis le 1er siècle de l'ère chrétienne).
On ne peux pas non plus comprendre le Judaïsme en France sans cette négociation perpétuelle avec une relative assimilation qui donne accès à la pleine citoyenneté, qui n'est pas offerte de manière évidente ailleurs, surtout historiquement et qui d'ailleurs n'a pas du tout toujours été offerte de manière évidente en France.
L'histoire de la France est la nôtre
Même quand on est arrivé plus tard. L'histoire de la France est particulièrement liée au destin des juifs depuis la révolution : elle a participé à orienter les migrations, immigrations et émigrations.
L'histoire juive est aussi l'histoire de France.
Car depuis notre toute petite communauté marginale, à travers notre intégration et nos persécutions, ce sont les lois françaises qui ont changé, la culture française qui a évoluée, et aussi la notre. J'espère un jour y revenir notamment sur la question de la laïcité. Mais je penses que des éléments sont déjà visibles ici.
Pourtant il n'es pas question de dresser un tableau tout rose de la France comme pays d'accueil exempt de violences.
Ce serait une erreur fondamentale.
Elle nous l'a si souvent rappelé. Nous somme intégré jusqu'au jour où on ne l'est plus. Nous sommes intégrés mais il y a des limites : depuis le début c'est sous conditions : comme citoyen mais pas comme peuple, pas comme communauté : « Il faut tout refuser aux juifs, comme Nation ; il faut tout leur accorder, comme individus »
Nous somme intégrés, inclus , accepté mais tout peut toujours basculer. Individuellement et collectivement.
Drôle d'intégration que cette intégration toujours conditionnelle. En fond on sera toujours soupçonné ou pourrons toujours l'être, d'être un ennemi de l'intérieur. Théorie du complot moderne ou pas.
Et là je parles des tendances de fond, des lois et affaires d'Etat aussi, pas de l'antisémitisme 'ordinaire' qui lui n'a jamais cessé d'être présent.
Mais en fait n'est ce pas l'histoire même de la Diaspora juive ?
Pour revenir à Pessach, c'est même ce que ce mythe de sortie d'Égypte raconte ( oui je suis pas croyant'e), au delà de la légende il y a bien une histoire à retenir là dedans, une histoire dans laquelle on se reconnait : celle de la liberté précaire et de la marginalisation, celle de l'exil. Quelque chose qui si je puis dire est assez universel dans la judéité (est ce parce que nos fêtes sont des fêtes d'exil et de résistance qu'on préfère suivre cette voie là que se cacher au point de disparaitre, adopter la voie dominante etc, ou est-ce parce que nous vivons ça que nos fêtes sont centrées là dessus ? Aucune idée).
Conclusion
Bref la France est un pays qui parmi les premiers et a un moment donné (après la révolution) à intégré et reconnu a peu près pleinement (épisodes de violence mis à part) les juifs, du moins pleinement en tant qu'individus.
Et c'est fondateur dans le judaïsme Français moderne.
De tout cela je retiens que pour moi ces deux identité sont absolument inséparables. Je ne suis pas française. Je ne suis pas juifve. Je ne suis pas française et juifve. Ou juifve et française.
Je suis juifve française.
Ça aurait pu l'être . Mais j'ai grandi dans la communauté juive Française. Mes repères culturels sont ceux ci, tant historique, mémoriels, que traditionnels et culinaire. Littéraire et philosophiques aussi en grande partie. Politique aussi un peu. (Et oui si vous me connaissez un peu vous savez que clairement mon rapport à la culture et à l'humain passe par l'estomac. )